L’amour est une arme – les dystopies young adult et l’amour romantique

Ma réflexion sur les dystopies[1] young adult[2] a commencé en lisant la saga Delirium, qui met en scène une société où l’amour romantique est considéré comme une maladie et interdit. Ca m’a fait tiquer, parce que ce n’est pas la seule dystopie parue récemment à mettre en scène ce motif particulier (l’interdiction du sentiment amoureux[3] ou des émotions et/ou des sentiments, ou encore de certaines émotions). Notamment, en plus du passeur, dont la publication est plus ancienne, il y a Promise, Glitch et the program. Pourquoi ce motif, et pourquoi maintenant ?

Certes, il y a l’hypothèse totalement évidente : l’amour romantique étant actuellement célébré comme la source principale de bonheur et d’accomplissement de soi, il est logique de représenter un monde (forcément horrible) où il serait interdit. Dans Pourquoi l’amour fait mal, Eva Illouz[4] souligne que dans la société occidentale contemporaine, l’amour romantique est considéré comme quelque chose de mystique et de profondément individuel. Selon elle, la reconnaissance de soi passe aujourd’hui davantage par l’identité personnelle que par la position statutaire. Dans ce cadre, la sexualité et l’amour sont devenus des composantes majeures de l’estime de soi des individus. C’est d’autant plus vrai que ces fictions s’adressent à un public d’adolescentes : l’amour romantique est pensé dans les représentations communes comme la préoccupation la plus importante de ce public. Eva Illouz écrit d’ailleurs dans La fin de l’amour que l’amour en Europe occidentale et aux Etats-Unis s’est progressivement détaché de la religieux (« on n’adore que Dieu »), pour devenir « le vecteur principal d’un individualisme en formation« . Autrement dit, l’amour romantique serait devenu synonyme de liberté. Une société qui cherche à interdire le sentiment amoureux serait donc une société qui prive les individus (et plus particulièrement les adolescentes) de la possibilité d’affirmer leur individualité. Plus largement, ces romans mettent en scène une société où les individus sont dépossédés de leur liberté de faire des choix (le choix d’un partenaire amoureux étant la métonymie de cette dépossession), ce qui va à l’encontre de la célébration de l’individualisme dans les sociétés occidentales contemporaines.

Mais cette explication ne me satisfaisait pas. Les dystopies décrivent souvent la caricature d’un risque présent en germe, ou font de la société dystopique décrite la métaphore d’un problème de la société contemporain, porté à son paroxysme. Or, je n’ai pas du tout l’impression que l’amour romantique soit en péril dans la société contemporaine, et je ne voyais pas la métaphore (là où dans Hunger games par exemple, la question de la société du spectacle est très facilement identifiable, pour le dire très vite). Pour le dire autrement, de quoi les dystopies young adult mettant en scène l’interdiction de l’amour romantique sont-elles le symptôme ?

Je vais développer ma réflexion à partir des sagas Delirium, Glitch, The program et Promise, bien que d’autres dystopies puissent être ponctuellement convoquées. Ce corpus est hétéroclite, concernant la nature de l’interdiction sociale du sentiment amoureux. Dans Delirium, c’est très clair : l’amour romantique est considéré comme une maladie et est traité par le biais d’une opération de neurochirurgie à la fin de l’adolescence. Dans Glitch, ce sont l’ensemble des sentiments qui sont éradiqués, au moyen d’une puce cérébrale. Dans Promise et The program, les choses sont moins claires. Dans Promise, le sentiment amoureux n’est pas interdit… Tant que les partenaires tombent amoureux d’un partenaire que la société a choisi pour eux, par un système d’appariement des conjoints. Dans  The Program, c’est moins le sentiment amoureux qui est visé que la dépression, maladie devenue endémique chez les adolescents. Dès lors, les relations amoureuses sont vues d’un mauvais œil par les autorités (parents inclus), de crainte que la rupture n’entraine les ex-tourtereaux dans les affres de la dépression. L’inclusion de The Program au corpus est discutable, car la société qui y est dépeinte ne présente pas les mêmes caractéristiques que les fictions précédentes. Dans Delirium, Glitch et Promise, l’action se situe dans un futur plus ou moins lointain et la société a subi une refonte importante (dans le sens d’une plus grande centralisation et étatisation), qui permettrait des conditions de vie idylliques pour ses citoyens. A l’inverse, la société dépeinte dans the Program est assez similaire à la nôtre, en dehors du Programme annoncé par le titre, qui traite les adolescents souffrants de dépression par la suppression de leurs souvenirs. Cependant, l’amour y est aussi traité comme une maladie, dans une certaine mesure, comme l’illustre cette discussion entre l’héroïne et son médecin : « – Je veux que vous me parliez de vous et de votre petit ami après la mort de votre frère. Comment vous êtes devenus tellement co-dépendants. – Nous ne sommes pas co-dépendants, espèce de salope. Nous nous aimons. ».

Juste pour régler son compte à la dimension dystopique, ces textes reprennent certains de ses motifs récurrents : une société rigoureusement planifiée, des leaders ou des éminences grises charismatiques, un contrôle de la reproduction et le bien-être collectif passe avant les destinées individuelles[5].Ces romans mettent l’accent sur l’opposition entre l’individu et la société (évidemment constituée d’une organisation stricte et oppressive), dans un contexte post-apocalyptique. De même, le fait de décourager un attachement particulier entre deux individus (notamment par le biais du sentiment amoureux, mais pas seulement) est souvent présent dans les dystopies : le but des individus appartenant à une société dystopique doit être de servir l’Etat, au détriment de tout autre attachement[6]. De plus, cet attachement particulier pourrait conduire l’individu à suivre la loi de son cœur plutôt que la loi de l’Etat. Cependant, ce qui est neuf à mon sens dans les dystopies young adult de mon corpus, c’est de faire de cette éviction des sentiments l’un des principaux ressorts de l’organisation sociale dystopique.

1. L’amour romantique, une métaphore, mais de quoi ?

1.1 Le capitalisme, le suspect ordinaire

Quand on lit « affadissement de la réalité », uniformisation, déshumanisation, etc., on pense capitalisme. Le capitalisme semble l’ennemi le plus évident ciblé dans les dystopies : il s’agit quand même d’une vilaine entité qui domestique les humains pour la servir.

Les dystopies de notre corpus mettraient donc en scène une société où le capitalisme aurait gagné la bataille. C’est particulièrement net dans Glitch : l’éradication des émotions a été mise en place par une entreprise, dans le but de rendre les humains plus dociles et plus travailleurs. Plus largement, la critique du capitalisme (ou du néolibéralisme) comme un système qui réduit les humains à une force de travail apparaît également de manière moins directe dans Promise. Dans le deuxième tome, l’héroïne est envoyée dans un camp de travail et déclare au sujet de cette expérience : « Mon corps est perclus de fatigue, mais je ne laisserai pas ce labeur me voler mes pensées. Parce que c’est ce que veulent les Officiels : des travailleurs efficaces qui n’ont plus la force de penser ». Plus largement, la Société de Promise est organisée de façon à permettre aux citoyens/travailleurs d’être les plus efficaces possibles et de ne pas se laisser distraire par des frivolités comme l’art. Les œuvres ont été réduites à des corpus de cent (cent livres, cent peintures, cent poèmes, cent musiques), en éliminant évidemment les plus subversives, celles susceptibles de mener à la rébellion ou simplement une émotion esthétique.  Il s’agit de limiter la consommation d’œuvres artistiques à un divertissement (j’ai entendu, culture populaire ?[7]) et pousser les citoyens à se concentrer sur le travail. A mon sens, cette société dystopique peut illustrer deux « risques » sous-jacents : soit que les machines soient jugées plus efficaces que les humains, si bien que les humains soient obligés de faire taire leur part d’humanité pour les égaler, soit que la recherche de l’efficacité devienne une fin en soi, au point de transformer les humains en machines. C’est aussi le cas (quoique de façon très différente) dans Glitch. Dans cette fiction, l’éradication des émotions a été mise en place au nom du risque de violence qu’elles représentent. Dans cette société, les humains sont changés en machines (par une puce cérébrale, d’une interface sous-cutanée et par un exosquelette pour une minorité d’entre eux) afin d’éradiquer la « part animale » de l’humain.

L’interdiction des émotions et/ou de l’amour romantique n’est pas sans rappeler également la figure du zombie, qui est de plus en plus présente dans la culture populaire contemporaine. Les individus ayant subi le rite de passage visant à la suppression des émotions ou de la possibilité d’éprouver le sentiment amoureux sont d’ailleurs fréquemment qualifiés de « zombies » par les personnages rebelles. Or, « le zombie renvoie plus profondément à ce que l’homme occidental menace de devenir : abruti par l’opium de la consommation et des plaisirs matériels, il risque de perdre l’usage de sa liberté, n’ayant plus rien à vouloir, ni à désirer. L’homme mort-vivant vivrait alors dans un éternel présent consistant à manger et à errer. […] Le zombie pointe l’horreur du passage de l’humanité comme ensemble d’individus différenciés […] à un agrégat d’entités identiques dont la finalité est de satisfaire leur seule et unique faculté : manger. […] Les zombies représentent la figure du Même, incapable […] de produire une quelconque forme de diversification, du nouveau »[8]. A ce titre, le zombie représente la quintessence du citoyen d’une société dystopique. En effet, cette société est supposée avoir atteint la perfection, dans l’uniformité. Le changement est donc malvenu (puisqu’il remettrait en cause la perfection du système), tout comme la différence (qui entrainerait nécessairement des dissensions, et donc la remise en cause de l’harmonie). De plus, l’éradication de la liberté par la domestication du désir des citoyens est précisément le motif mis en scène dans les sociétés dystopiques.

Le contrôle exercé par les sociétés dystopiques prend également la forme de la division du travail. Elles fonctionnent comme des organismes et créent délibérément l’interdépendance des citoyens. Promise l’exprime explicitement : « En contrôlant l’alimentation, ils nous contrôlent. Certains personnes savent cultiver les plantes, d’autres les récolter, d’autres les transformer et d’autres enfin les faire cuire. Mais personne ne maitrise le processus dans son entier. De cette façon, aucun de nous ne serait capable de survivre seul. ».

La critique du capitalisme apparait enfin sous la forme de la critique individualiste[9] ou « artiste »[10] du capitalisme, selon laquelle le capitalisme produirait une forme d’inauthenticité et d’oppression de l’autonomie individuelle. La volonté des sociétés dystopiques de faire disparaitre les identités individuelles au profit d’une identité collective et indifférenciée pourrait être mise en parallèle avec la démarche attribuée à certaines grandes entreprises. Selon Philippe Zarifan, « [elles] essaient de capter les identités isolées en les enserrant dans les mailles des entretiens individuels, des promotions ad hoc, des contrôles individualisés de résultats, des primes et des exclusions. Ce n’est pas à une montée de l’individualisme auquel on assiste, mais à une montée en puissance, a-éthique, des systèmes et de leur emprise. »[11]. Cette description concorde parfaitement avec la démarche des sociétés dystopiques. Dans cette perspective, les sociétés dystopiques totalitaires ne seraient que la caricature d’un procédé à l’œuvre à l’échelle des « grandes entreprises ».

Si la thématique de l’anéantissement des individualités est courante dans les dystopies, Promise y adjoint celle de l’inauthenticité. Dans cette fiction, les individus ne possèdent en propre que des objets standardisés. Les rares objets destinés à enchanter le quotidien ne sont que des « locations », réservées à des occasions particulières. L’héroïne raconte dans les premiers chapitres du premier tome le choix de la robe en soie verte pour son Banquet (cérémonie de présentation des futurs conjoints, dont l’appariement est décidé par la Société) parmi le nombre (limité) de modèles que propose la Société, robe qu’elle n’aura le droit de porter que pour cette occasion. Après la cérémonie, la robe sera rendue et l’héroïne n’en conservera qu’un échantillon, préservé dans un cadre de verre. De même, la consommation de repas « de fête » est réservée à des occasions particulières et organisée par la Société. L’héroïne finit par déclarer à ce sujet : « Ils nous donnent des échantillons de vie au lieu de nous laisser exister vraiment. Je lui dirais que je ne veux pas me contenter d’échantillons et de miettes, se contenter de goûter sans jamais faire un vrai repas. Ils ont porté à la perfection l’art de nous laisser juste assez de liberté, toujours à la limite. Quand nous sommes sur le point de craquer, ils nous jettent un os et nous roulons sur le dos, découvrant le ventre, contents et apaisés ».

Ainsi, là où Uglies met en scène des citoyens qui ont abandonnés leur libre-arbitre au profit d’une consommation débridée, ou Hunger games souligne les inégalités économiques (où une masse d’opprimés travaillent pour que les dominants n’aient pas à le faire) ; on serait bien en peine de trouver un équivalent dans Promise et Delirium. Si les inégalités de niveau de vie y sont mentionnées[12], le travail des personnes situées en bas de l’échelle sociale ne semble « profiter » à personne et la révolution dont est porteuse la communauté alternative ne vise pas à corriger ces inégalités mais à lutter contre l’interdiction du sentiment amoureux. Par exemple, dans Promise, s’il existe clairement une hiérarchie des professions, il n’y a pas de hiérarchie des rémunérations : tous les citoyens ont accès strictement aux mêmes ressources et aux mêmes objets (du moins, à hauteur de leurs besoins, établis par la Société dans une perspective sanitaire), indépendamment du métier qu’ils occupent. Il me semble que dans ces romans, il s’agit moins d’une critique du capitalisme dans son acception la plus courante que d’une critique de la diffusion de la rationalité économique. Pour le dire autrement, il y aurait l’idée que l’un des risques que courent nos sociétés, c’est de promouvoir la rentabilité, l’efficacité et l’utilité au détriment du reste (les émotions romantiques ou esthétiques, le libre-arbitre).

C’est ni plus ni moins que la société décrite dans Promise, où l’individu est pensé en fonction de sa valeur, de ce qu’il apporte à la société. Par exemple, les héros découvrent dans le deuxième tome que les individus jugés indésirables (qui ont commis des infractions) sont envoyés dans des mouroirs, déguisés en front de bataille contre un ennemi imaginaire. Détail macabre, la Société ayant horreur du gâchis, on remet aux condamnés des vêtements de bonne qualité afin d’y dissimuler des capteurs qui collectent des informations biométriques. Promise et Glitch se font l’écho de la critique de la « macdonalisation »[13] des sociétés occidentales contemporaines, qui consiste d’une part en la standardisation des modes de consommation et celle du travail d’autre part. Cette standardisation du travail, qui reposerait sur quatre principes (efficacité, quantification, prévisibilité et contrôle), est exactement ce qui est à l’œuvre dans ces deux sagas. Cette standardisation est étendue à l’ensemble de la vie de la personne : la nourriture, le temps passé sur un tapis de course, les rêves… sont contrôlés de façon à accroître l’efficacité du système. Ce contrôle est exercé officiellement dans une optique sanitaire, mais en réalité il sert à les rendre les plus efficaces possibles. Ce second aspect de la « macdonalisation » renvoie également à ce que Gilles Saint-Paul qualifie de « tyrannie de l’utilité »[14]. Les excès de l’application de la philosophie utilitariste à l’économie, et notamment la volonté de modifier les préférences des agents (y compris leurs manières de penser), aurait pour conséquence un interventionnisme excessif de l’Etat dans la vie des individus. C’est-à-dire que l’Etat sachant mieux que les individus ce qui est mieux pour eux (parce qu’ils sont un peu stupides et font de mauvais choix), il va gentiment les pousser à prendre les bonnes décisions (par exemple, les encourager à manger cinq fruits et légumes par jour). C’est précisément ce qui est à l’œuvre dans Promise : « la Société nous offre tout ce qui, conformément aux études statistiques, est censé accroître la durée de vie (un mariage heureux, un corps sain). […] Jamais civilisation n’a jamais été aussi proche de la perfection ». Parallèlement, je me demande si cette saga (ainsi que Glitch) ne pointe pas le risque que des « experts » ne sachent pas mieux que les individus ce qui est bon pour eux ou pour la société.

Dans tous les cas, l’idée que le capitalisme chercherait à faire passer l’individu « du stade d’être vivant à celui de producteur, de consommateur et de marchandise »[15] n’a rien de neuf. Dans cette perspective, le sentiment amoureux serait la métaphore de ce qui n’est pas marchandable chez l’humain, et de la revendication de la valeur intrinsèque des individus indépendamment de leur valeur en tant que force de travail. Selon Ruwen Ogien[16], l’éloge de l’amour porté par certains philosophes aurait en ligne de mire une critique  de l’individualisme moderne et de son expression, le consumérisme compulsif (l’amour représentant dans cette perspective le désintéressement et le souci de l’autre). Cependant, il me semble que ça ne marche pas très bien, puisqu’à part dans Glitch, ce sont les gouvernements qui sont à l’origine de l’organisation dystopique plutôt que les entreprises. La fin du troisième tome de Promise semble même défendre le retour au capitalisme afin de garantir la liberté des individus : « parfois, je me demande si [l’Archiviste chef, à la tête du marché noir] ne pourrait pas être le vrai [chef du Soulèvement], qui nous aide à naviguer sur le flot de nos envies, de nos désirs, nous embarque à bord de petits canots qui contiennent ce dont chacun a besoin pour commencer sa véritable vie ».

Dans le cas plus particulier de la critique de la philosophie utilitariste, le sentiment amoureux représentait la variable imprévisible et indésirable du système, le dernier bastion qui feraient que les humains sont humains (et non les rouages d’une machine). A ce titre, l’amour romantique serait la métonymie de la liberté de choix (c’est-à-dire la clef de voute de l’individualisme promu par la société contemporaine). La philosophie utilitariste chercherait à interdire ou à canaliser ce sentiment parce qu’il serait source de gaspillage d’énergie et inutile.

1.2 Big data de l’amour

De façon plus insidieuse, ces dystopies pourraient représenter la caricature de la « rationalisation de l’amour » à l’oeuvre dans la société contemporaine.

Selon Eva Illouz, « à mesure que se déroule le processus de rationalisation, les émotions ne sont plus tant vécues pour elles-mêmes que pour servir un but. Nous avons créé des techniques pour que nos sentiments épousent nos objectifs (tomber uniquement amoureuse d’hommes qui m’aiment en retour, par exemple). Désormais, les sentiments doivent être bien placés, rentables, c’est-à-dire apporter plus de plaisir que de souffrance. Une forme d’utilitarisme s’est ainsi insinuée au cœur de la vie émotionnelle, qui a rendu inintelligible la souffrance, devenue symptôme d’une maladie que l’on doit déchiffrer et éradiquer. Le sacrifice de soi est désormais inacceptable comme projet de vie ou de formation d’une personne « saine » et « mûre » »[17]. Ainsi, selon Olivia Gazalé, « l’amour obéit aujourd’hui aux mêmes règles que le monde marchand : la fascination pour la nouveauté, la tyrannie de l’immédiateté, la création artificielle de besoins perpétuellement urgents »[18].

Or, les technologies modernes ont permis de recueillir et de traiter des données à une échelle sans précédent. Cette évolution a eu des effets (entre autres) sur les sites de rencontre ou les agences matrimoniales : certains d’entre eux (par exemple, Okcupid) utilisent des algorithmes censés mettre en relation les individus les plus susceptibles de se plaire mutuellement. La rationalisation du choix du partenaire dans Delirium et Promise [19]  par un appariement « optimal » et technologiquement assisté des hommes et des femmes pourrait alors être lue comme l’aboutissement de la logique amorcée par la possibilité sociale de choisi librement son conjoint (et non de se le voir imposer par sa famille) et le développement des sites de rencontre, qui amèneraientt à la recherche du partenaire parfait[20].

Cette rationalisation du choix du partenaire dans Delirium et dans Promise et surtout son échec (puisque le partenaire parfait « sur le papier » pour l’héroïne de Promise ou la meilleure amie de l’héroïne de Delirium s’avère en fait ne pas être le meilleur choix pour elles[21]) serait donc une affirmation du caractère imprévisible de l’amour romantique. Dans cette perspective, l’interdiction de l’amour romantique (en tous cas, envers un autre partenaire que celui prescrit) serait la métaphore du risque de rationalisation du choix du partenaire.

1.3 Protéger les individus d’eux-mêmes

Selon Gilles Saint-Paul, la « tyrannie de l’utilité » irait de pair avec un interventionnisme croissant de l’Etat dans la vie des individus, au prétexte que l’Etat saurait mieux que les individus ce qui est bon pour eux.  Dans les dystopies de notre corpus, cette idée est présente explicitement : « c’est d’ailleurs tout l’intérêt du remède, non ? Empêcher les gens de détruire leur propre vie. Leur ôter la capacité de le faire. » (Delirium). D’ailleurs, le pitch de Delirium n’est pas sans rappeler l’histoire de la Prohibition aux Etats-Unis : un groupe de pression (« Association pour une Amérique sans delirium ») est parvenu à imposer ses vues et à faire interdire le sentiment amoureux. De même, dans Glitch, les émotions sont décrites comme responsables de la catastrophe nucléaire qui se serait déroulée à la surface : « L’Ancien Monde était peuplé [d’]une race d’humains qui a succombé aux émotions et aux désirs que j’éprouve, une humanité barbare qui a failli détruire la Terre par cupidité, par haine et par indifférence. […] Nous avons retenu les leçons du passé, nous avons muselé notre part animale, effacé les passions qui nous rendaient si dangereux ». Des discours similaires sont présents dans Promise et The Program.

Or, les dystopies en général ont pour fonction (entre autres) de mettre les lecteurs en garde contre le risque d’être prêts à abandonner des valeurs jugées centrales (liberté de pensée, liberté d’opinion, liberté de ressentir) au profit d’un peu de sécurité. L’adoption du Patriot Act aux Etats-Unis et plus récemment l’adoption de l’état d’urgence en France suite aux attentats du 13 novembre 2015 montrent bien que les citoyens font peu de cas de leur liberté lorsqu’on leur promet un peu plus de sécurité. Les dystopies de notre corpus ne font pas exception, dans la mesure où l’organisation de la société en système totalitaire a été adoptée à la suite d’une catastrophe. Les sociétés dépeintes dans ces fictions représenteraient donc l’aboutissement de cette logique : une organisation sociale qui s’est constituée comme  étant « en crise » cherche à domestiquer ses citoyens, pour avoir une chance de résister à la catastrophe et d’éviter qu’elle ne se reproduise. Or, cette domestication passe par une réduction drastique des libertés individuelles, posées en ennemies du bien commun. On pourrait aussi faire l’hypothèse que la menace extérieure écartée, ces organisations doivent alors se tourner vers « l’ennemi intérieur », c’est-à-dire le risque d’une contestation provenant de la société. Dès lors, tout est permis.

L’amour romantique fonctionnerait dans ces dystopies comme une métaphore de la liberté de choix des individus, contre l’interventionisme étatique. Pour le dire autrement, les individus devraient avoir le droit de faire le mauvais choix, comme le déclare l’héroïne de Promise (« C’est peut-être tout simplement le choix que nous aimerions avoir : de quel mal nous voulons souffrir ») ou un personnage de the Program, qui défend le droit « de célébrer le choix – le choix de se suicider si c’est ce qui nous chante. Nous ne voulons pas mourir, mais c’est fun d’explorer nos côtés sombres ».

1.4 La lâcheté ordinaire : pharmacopée et solution de facilité

Dans ces dystopies, il y a aussi l’idée que les individus sont prêts à tout pour échapper à la souffrance, y compris à se soumettre à des « traitements » qui les font vivre dans un paradis artificiel. Le recours aux antidépresseurs comme une forme de lâcheté dans les sociétés contemporaines est explicite dans The Program et Promise.

Dans The Program, les adolescents dépressifs sont placés dans un centre de traitement et assommés à coups de pilule jusqu’à ce que leurs souvenirs soient entièrement effacés. La pandémie de dépression juvénile dans cette société est attribuée dans un premier temps à la consommation massive d’antidépresseurs par leurs parents, critique explicite de la consommation de psychotropes dans la société contemporaine. A la fin de la saga, une psychiatre qui a œuvré contre le Programme explique que selon elle, le suicide n’est devenu endémique qu’à cause de la pression que faisait peser sur les jeunes le Programme, et que les choses auraient pu rentrer dans l’ordre si les autorités avaient laissé le temps de la thérapie faire son travail. A travers le discours de ce docteur, c’est donc la solution de facilité qui est critiquée : suppression des souvenirs plutôt que réel traitement.

Dans Promise à l’inverse, la responsabilité du recours à la pharmacopée repose sur les individus. Puisque la Société subvient à l’ensemble des besoins de ses citoyens, elle offre aussi des solutions à ses problèmes émotionnels. Chaque citoyen doit avoir avec lui en permanence un étui de trois pilules : une bleue (officiellement destinée à ce qu’il puisse survivre quelques jours si par malheur il échappait au giron de la Société), une rouge (qui ne peut être prise que sur ordre des autorités et dont les citoyens ignorent l’effet) et une verte. La verte est un anxiolytique. Chaque citoyen a donc en permanence avec lui un moyen d’échapper, au moins temporairement, aux émotions négatives. Or, les pilules sont présentées comme trompeuses dans la saga : elles servent à assurer l’emprise de la Société sur les citoyens. En effet, loin de procurer les nutriments essentiels à la survie, la pilule bleue est un poison. La pilule rouge quant à elle permet d’effacer les souvenirs jugés indésirables. Quant à la pilule verte, la prendre est présentée comme une forme de lâcheté (du point de vue de l’héroïne). Le grand-père de l’héroïne désapprouve sa consommation, en disant à sa petite-fille qu’elle est « plus forte que ça ».

Selon Jacob[22], ce recours aux pilules pour contrôler le comportement peut être mis en parallèle avec la médicalisation des comportements jugés déviants. Il prend notamment l’exemple du trouble du déficit de l’attention (TDA), qui est selon lui « une maladie née d’un désir de contrôle ». En effet, le diagnostic de ce trouble repose sur le jugement des médecins (et souvent à la demande des parents), sans examens pour accréditer ou discréditer ce diagnostic. Les causes éventuelles à ce trouble ne sont donc pas traitées, il est simplement régulé par des médicaments. De même, dans les dystopies young adult, les jeunes personnages sont réprimés ou contrôlés chimiquement dans le but de modeler leurs comportements afin de les conformer aux attentes des adultes. Par exemple, dans The Program, un des personnages déclare : « le Programme prétend que les personnes infectées font preuve de toutes sortes de comportements inhabituels, comme la promiscuité sexuelle, la colère et la dépression. Peut-être que ces bons docteurs n’ont jamais envisagé que parfois les membres d’un couple peuvent se comporter de façon sensuelle l’un envers l’autre ou être en colère ou triste. Ce n’est pas toujours une maladie ». Le Programme est donc la métaphore explicite du contrôle médico-social des adolescents : « [Les personnes guéries] ont été réinitialisés – à la fois émotionnellement et socialement ».

Cette pharmacopée manifeste également la dépendance des individus face à la société. Par exemple, dans le troisième tome de Promise, après que le Soulèvement ait pris le pouvoir, il « a confisqué les pilules et les étuis que la Société nous fournissait. […] Il y a beaucoup de gens qui ont du mal à vivre sans les vertes ».

Dans cette perspective, l’amour romantique serait le symbole d’une émotion authentique, par opposition aux émotions artificielles induites par des médicaments.

1.5 « De mon temps… » : la libération sexuelle et la disparition des « vraies valeurs »

En bonne genriste, je ne peux pas ne pas me demander si cette promotion de l’amour romantique n’est pas une critique dissimulée de ce qui est considéré comme un des « périls » sous-jacents dans notre société : la disparition des vraies valeurs attachées au couple (fidélité, engagement…).

Je pense notamment à la « hookup culture »[23], qu’on pourrait traduire grossièrement par « culture du coup d’un soir ». Un rapide coup d’œil sur la page Wikipédia consacrée à ce terme laisse voir que ces pratiques font l’objet d’une panique morale, qui sont décrites en termes de dangers (regrets, risques sanitaires et psychiques, consommation d’alcool et de drogues…). Pour le dire autrement, c’est le Mal. Dans Glitch, la dénonciation de cette culture est explicite, par l’opposition entre le personnage de Maxim et de David. Maxim est le premier glitcher (comprendre : individus qui ressentent des émotions en dépit de la puce et qui ont aussi des pouvoirs surnaturels) que rencontre l’héroïne, et il semble immédiatement très intéressé par l’exploration des plaisirs charnels avec cette dernière. Avec n’importe quelle fille, d’ailleurs : après que l’héroïne l’ait repoussé, Maxim séduit une autre glitcheuse de seize ans, et l’abandonne lorsqu’elle tombe enceinte. A l’inverse, David (qui deviendra le petit ami de l’héroïne) est bien plus intéressé par la personnalité de l’héroïne et ne cherchera jamais à coucher avec elle. Clairement, David est dans le camp des gentils et Maxim dans celui des méchants : alors que le premier se bat pour la résistance, Maxim n’hésite pas une seconde à trahir ses amis et à rejoindre le camp opposé lorsque cela sert ses intérêts. Bref, le message est clair : jeunes filles, s’il vous aime vraiment, il attendra que vous soyez prêtes. De façon secondaire, dans the Treatment (le deuxième tome de the Program), un des personnages féminins est déprimée entre autres parce que son « friend with benefits », dont elle est secrètement amoureuse, s’est entiché d’une autre.

Dans un sens, ces romans sont porteurs de l’idée que sans sentiment amoureux passionné et véritable, les relations de couple seraient réduites à leur dimension utilitaire (mise en commun des ressources et partage le travail parental, satisfaction des pulsions chez les adolescents, voire instrument de contrôle). Par exemple, dans Delirium, le fiancé d’Anna (la meilleure amie de l’héroïne) se révèle un sadique qui fait subir des violences psychologiques à ses conjointes et n’a pas hésité à faire interner son ex-femme lorsqu’il s’en est lassé. Dans the Program, l’héroïne rencontre Mike pendant le traitement qu’on lui fait subir et elle développe avec lui une sorte de relation de couple, bien qu’elle reste strictement platonique. Cependant, elle découvre par la suite que Mike est en réalité un employé du centre, qui a pour fonction de gagner la confiance des patients récalcitrants afin de venir à bout de leurs résistances et de rapporter leurs confidences aux médecins.

Ces sagas seraient donc une dénonciation du risque que l’amour romantique ne soit pas/plus au fondement des relations de couple ou sexuelles.

1.6 L’Emile contemporain ou l’oppression des enfants par les parents : on achève bien les adolescents

A l’heure de la « parentalité relationnelle », les parents affirment que leur objectif est que leur enfant « devienne lui-même », tout en le contrôlant, en surveillant ses activités, ses fréquentations[24]. En effet, « si la représentation parentale de l’autorité s’éloigne d’une vision statutaire stricte, le contrôle des parents demeure. Il n’y a pas abandon de l’autorité, mais souvent redéfinition. Ils sont sensibles à l’importance accordée à l’autonomie dans nos sociétés et aux discours pédagogiquement correct et souvent ils l’encouragent, mais davantage sur le plan pratique qu’intellectuel. Ils encouragent plus une future indépendance qu’un esprit critique »[25]. Les ambivalences de l’éducation sont décrites noir sur blanc dans le troisième tome de Promise : « Quand on aime quelqu’un, que lui souhaite-t-on avant tout ? D’être en sécurité ou bien de pouvoir faire ses propres choix ? ». Plus largement, les adultes attendent des enfants qu’ils se coulent dans la société qu’ils ont façonnée. A ce titre, l’amour romantique représenterait la quintessence de la « rébellion » adolescente, le risque de dévier de la voie tracée par les parents.

En effet, le contrôle social qui s’exerce sur les adolescents qui semblent s’engager dans une relation amoureuse dans les dystopies de notre corpus pourrait s’apparenter à la réprobation parentale des « mauvaises fréquentations » de leurs enfants. Par exemple, dans Delirium, la fréquentation de Vulnérables (c’est-à-dire d’enfants et d’adolescents qui n’ont pas encore subi de neurochirurgie) de sexe opposé est fortement découragée. De même, l’héroïne de Promise est approchée à plusieurs reprises par une Officielle, qui la met en garde du risque de l’engagement dans une relation amoureuse avec quelqu’un qui n’est pas son Promis. De façon plus radicale, dans the Program, les adolescents qui ont été traités (donc, dont les souvenirs ont été effacés) sont surveillés très étroitement par un handler, qui surveille leurs faits et gestes, et leurs fréquentations. Si un adolescent est surpris avec des jeunes qui ne sont pas passés par le Programme, ils risquent d’y être envoyés à nouveau. De même, les handlers s’efforcent d’éviter qu’un adolescent « guéri » ne noue des liens avec ses anciens amis et/ou copain/copine (« guéris » ou non).

A ce titre, l’interdiction de l’amour romantique pourrait être lue comme une métaphore du contrôle que les parents exercent sur les adolescents, par le biais du contrôle des fréquentations de ces derniers. Réciproquement, l’amour romantique dans ces dystopies représenterait la volonté des adolescents de s’émanciper de la tutelle parentale et de faire leurs propres choix. En effet, selon Clémentine Raineau[26], les relations amoureuses et sexuelles des adolescents se déroulent à la marge des activités familiales, mais aussi des futurs rôles économiques  de ces individus. Ces relations se situent dans un espace-temps interstitiel, entre famille et travail scolaire. Elles constituent donc un espace de liberté et/ou de réalisation de soi.

Sans surprise, l’interdiction de l’amour romantique peut fonctionner comme la métaphore de plusieurs « périls » sociaux (en tous cas, perçus comme tels). J’ai relevé ceux qui me semblaient crédibles, par ordre d’apparition. Ils sont de quatre ordres : liés à l’organisation économique (capitalisme), à l’apparition des nouvelles technologies et du big data (utilitarisme), aux psychotropes et aux évolutions sociales (éducation des enfants, changements dans les pratiques sexuelles). Certains sont des thèmes courants de la dystopie (par exemple, la dénonciation du capitalisme et des psychotropes était déjà présente dans Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley), certains me donnent le sentiment d’être plus spécifiques aux dystopies young adult. Je pense plus particulièrement à la question de l’articulation entre les générations, ce qui n’a rien de surprenant étant donné le public auquel ces livres s’adressent.

2. Le conflit des générations

« A l’âge de l’adolescence s’ouvre un problème d’identité : ou bien le sujet se définit lui-même en fonction de la place de la société qu’on lui a préparé, ou bien il doit s’en trouver une autre, au mépris des attentes des siens […]. Dans ce dernier cas s’ouvre une période de transition marquée par l’inadaptation, l’irresponsabilité voire la rébellion, qui peut être longue et ne sera close qu’avec la réadaptation du sujet à la société dans un rôle par lui accepté »[27]. Or, dans les dystopies young adult les héroïnes finissent par transformer la société afin que les secondes s’adaptent aux premières plutôt que l’inverse. En effet, ces sagas mettent en scène un conflit entre les générations, soit parce qu’un virus a décimé les classes d’âge intermédiaires, n’épargnant que les jeunes et les vieux (Starters, le dernier jardin), soit parce que certains adolescents ont des difficultés à se couler dans la société que les adultes ont construite. Ce conflit ne sera résolu que par la reconquête de l’organisation sociale par les rebelles (du moins, dans les dystopies de notre corpus). A ce titre, je me suis dit qu’analyser l’interdiction de l’amour romantique pourrait être une métaphore plus générale non seulement du pouvoir que les parents exercent sur les adolescents, mais aussi celui qu’exercent les adultes, voire la société dans son ensemble sur les jeunes.

2.1 Une brève histoire de l’adolescence

Dans les fictions de notre corpus, les figures parentales sont présentes mais elles sont secondaires par rapport aux figures d’autorité sociales. Les enfants sont éduqués par la société davantage que par la cellule familiale. Or, cette société étant oppressive, le contrôle par les autorités pourrait être le symbole de celui que les parents exercent sur les enfants.

Bien sûr, cette volonté de la société d’étouffer les adolescents n’est réservée aux dystopies young adult. Elle n’est pas récente non plus, et elle est liée à l’apparition de l’adolescence comme « âge de la vie ». « Ce n’est qu’au milieu du XIXème siècle que le mot adolescence apparaît dans le vocabulaire de nos sociétés occidentales pour désigner les jeunes collégiens poursuivant leurs études et financièrement dépendants. C’est à cette époque que l’industrialisation prend son essor et que l’espérance de vie s’accroît. À peu près simultanément, un costume particulier à cet âge permet de distinguer les jeunes des enfants et des adultes, mais l’adolescence ne concerne encore alors qu’un nombre très restreint d’individus appartenant à la bourgeoisie. […] L’adolescence ne deviendra un terme générique, désignant toute une classe d’âge et utilisé aussi bien pour les garçons que pour les filles, que plus tard, avec la généralisation de la scolarisation au XXème siècle. En effet, adolescence et scolarisation évoluent conjointement. »[28]. Selon Agnès Thiercé [29], les lycées ont été créés pour canaliser les dangereux bouillonnements de l’adolescence. André Breton[30] a une conception plus nuancée du développement de la scolarisation comme instrument de contrôle des jeunes. Selon lui, si l’école met l’adolescent à l’écart, dans une situation matérielle de dépendance, dans le même temps, elle l’émancipe en le soustrayant au travail.

Comme on le voit, l’adolescence est pensée en termes de « dépendance », notamment matérielle. Or, l’apparition de cette nouvelle classe d’âge découle en partie de l’industrialisation, qui minimise le rôle de la transmission de l’héritage dans la reproduction sociale. Les fils ne sont donc plus amenés à marcher dans la trace de leurs pères, en reprenant l’exploitation familiale ou le métier paternel. Ce refus des enfants de reprendre le flambeau familial aurait donc conduit à l’émergence de la figure de l’adolescence comme « classe dangereuse ». « Les jeunes sont à la fois précieux pour l’avenir à un moment où les connaissances évoluent très rapidement, et dangereux par leurs excès. La prise en main des individus pendant cet âge jugé malléable s’impose, et les jeunes vont se heurter à des pressions sociales grandissantes à leur égard. Les confrontations engendrées contribueront à faire de l’adolescence une période réputée tumultueuse. Au XIXème siècle se développe, avec le triomphe de la raison, l’idée d’une jeunesse irresponsable. »[31]. Plus largement, la « montée des jeunes »[32] a conduit à l’apparition d’une classe d’âge disposant d’une certaine autonomie, régie par une sociabilité et d’une culture propre ; qui la distingue des autres classes d’âge. Cette catégorie sociale s’opposerait au monde des adultes, en donnant lieu à des affrontements, par exemple sous la forme du phénomène des « blousons noirs » ou de mai 68.

Plus spécifiquement, «  il reste une spécificité de cet âge dans la modernité, entre dépendance et autonomie, l’enfant est maintenant considéré comme un « alter ego paradoxal », qui se doit de bénéficier de droits de protection autant que de droits de créance, ce que signifie clairement le statut de minorité »[33]. Les adolescents seraient donc pris entre dépendance économique vis-à-vis des parents et volonté de s’en émanciper : « Quand bien même [les adolescents] attendent de l’affection et du soutien de la part de leurs parents, ils luttent bien souvent pour échapper à leur contrôle. […] Le choix des amis contre l’avis des parents peut aussi être compris comme une manifestation du désir d’autonomie. […] Certains pensent que les enfants sont devenus plus autonomes ou encore qu’on favorise davantage leur autonomie en leur octroyant des droits nouveaux. D’autres pensent, au contraire, que la vie des enfants est davantage contrôlée et institutionnalisée et que s’ils ont gagné en protection et en droits, ils ont perdu en responsabilité et en autonomie »[34].

L’adolescence serait donc un moment de rupture vis-à-vis de l’autorité parentale : « Alors que l’enfant vit dans le registre de l’hétéronomie, c’est-à-dire qu’il reçoit la Loi d’un Autre (ses parents), l’adolescent a la possibilité de mettre à distance cette Loi, il est capable d’autonomie. L’adolescence est, comme le soulignait Rousseau une « seconde naissance » au cours de laquelle on entre dans l’âge de la réflexion, qui se caractérise par une nouvelle manière d’exister, une révolution dans le rapport à soi, aux autres et au monde. Si l’adolescent est l’équivalent d’un adulte, pourquoi l’adolescence ne coïncide-t-elle pas avec l’entrée dans l’âge adulte ? […] La modernité a inventé la jeunesse, ce temps de préparation à la vie adulte. La jeunesse est le temps de la formation, non de la reconduction de l’identique. En accédant à l’éducation, les individus gagnent en effet la possibilité d’échapper à un avenir tracé d’avance. […] Rien n’est plus difficile que de devenir un individu, c’est-à-dire d’un adulte. On mesure encore mal l’extrême exigence de ce mode d’être, la rigueur des obligations qu’il requiert. La jeunesse permet de se familiariser avec ces nouvelles exigences dans un contexte relativement sécurisé. »[35].

Bien évidemment, cette aspiration à l’autonomie des adolescents inquiéterait les adultes. Dès lors, l’adolescence serait pensée comme « en crise ». Selon Agnès Thiercé, « au XIXème siècle, médecins et pédagogues, fortement imprégnés des idées rousseauistes, voient d’abord dans l’adolescence une période particulièrement critique, liée à la puberté. Un âge « bâtard », « gauche », « ingrat » aussi bien physiquement que moralement. Le manque de lucidité, la propension à la rêverie, l’inexpérience sont associés à l’explosion des passions […]. Le XIXème siècle invente […] l’expression de « crise de l’adolescence ». Les phobies qu’elle suscite sont d’ailleurs à l’image des hantises de l’ordre bourgeois : explosion de la sexualité, peur des « amitiés particulières » chez les garçons, de l’hystérie féminine, des révoltes et des « insubordinations lycéennes » »[36]. L’adolescence en vient à être pensée comme une « maladie », qui peut être traitée médicalement : des changements « liés à la puberté sont de plus en plus souvent considérés comme pathologiques et s’accompagnent de nouvelles désignations et de nouveaux symptômes, comme les « troubles de comportement » ou les « tendances anti-sociales » »[37].

Or, la montée du chômage de masse dans les sociétés occidentales contemporaines rend difficile l’insertion professionnelle des jeunes, qui était le seuil d’entrée dans l’âge adulte des adolescents. Ce passage est donc retardé par l’allongement de la durée des études, ce qui prolonge la durée de la dépendance financière des jeunes envers leurs parents. Cependant, il se juxtapose à une injonction faite aux jeunes d’être responsables. Or, selon Patrice Huerre, « la question de la succession des générations n’est jamais envisagée. Il semble qu’à défaut de régler le problème de la place des jeunes, on recule les limites de leur reconnaissance comme adultes. Cette incapacité de nos sociétés à gérer le passage de l’enfance à l’âge adulte pourrait, de fait, constituer une nouvelle définition de l’adolescence »[38].

2.2 La dystopie comme métaphore de l’adolescence

Les parallèles entre ces discours sur l’adolescence et les livres de notre corpus sont évidents. Les sociétés dystopiques cherchent à annihiler toute prétention à l’autonomie chez les citoyens. A l’inverse des sociétés contemporaines où l’entrée des jeunes dans le monde des adultes est problématique et retardée, les sociétés dystopiques font entrer très tôt les jeunes dans la société des adultes. Par exemple, dans Promise, cette intégration précoce est symbolisée par la remise progressive des trois pilules aux enfants : la bleue à dix ans, la verte à treize ans, rouge à seize ans. L’héroïne déclare : « le fait d’avoir nos pilules sur nous est un pas vers l’autonomie. Les perdre, c’est prouver qu’on n’est pas prêt à assumer cette responsabilité. Nos parents sont chargés de garder nos pilules jusqu’à ce qu’on soit en âge de le faire ». En effet, contrairement aux sociétés contemporaines, le but des sociétés dystopiques n’est pas de former les adolescents afin de les préparer au monde à venir, mais de les encadrer afin que la société se reproduise à l’identique.

A ce titre, il n’y a pas de réelle séparation entre enfants et adultes, dans la mesure où tous sont soumis à la même autorité, celle de la société. Cette hypothèse est illustrée par un passage de Promise, qui décrit une variante de Boucle d’or racontée aux enfants pour leur apprendre l’obéissance : « C’est l’histoire d’une fille qui s’appelle Xanthe. Un jour, elle en a assez de manger la nourriture qu’on lui sert. Quand les plateaux sont livrés, elle mange les flocons d’avoine de son père. Mais ils sont trop chauds et ça lui donne de la fièvre. Le lendemain, elle prend les céréales de sa mère, mais elles sont trop froides et toute la journée, elle a des frissons. Le troisième jour, elle mange ce qu’elle a sur son plateau et elle se sent bien. Elle est en forme. […] C’est une histoire idiote destinée à montrer aux enfants de la Société qu’ils doivent obéir et faire ce qu’on leur dit. […] Elle finit par être citée trois fois pour mauvais comportement avant de comprendre que la Société sait ce qui est bon pour elle ».

Cependant, comme dans nos sociétés, les adolescents sont pensés comme une population à risque, puisqu’en dépit d’un encadrement étroit, « les adolescents se laissent parfois emporter par leurs émotions. Et ont une tendance à la rébellion » (Promise). Dans cet ouvrage, l’amour romantique est donc décrit comme une métonymie de l’adolescence.  Cette période serait donc le moment où les citoyens sont le plus susceptibles de prendre leur indépendance, où ils commencent par réfléchir par eux-mêmes avant d’être pris trop étroitement dans les filets du contrôle social (par le biais du travail et de la cellule familiale). Les adolescents sont alors représentés comme souffrants d’une « maladie » (ils sont qualifiés de « Vulnérables » dans Delirium), qui sera guérie par un rite médical (opération chirurgicale dans Delirium et dans Glitch, amnésie dans the Program) ou social (Banquet de Couplage dans  Promise). Dans The Program, c’est la dépression qui est une métaphore de l’adolescence : « Vous ne le voyez pas, mais vous êtes malade. […] Nous allons retirer la maladie ».

Dans Glitch et the Program, c’est davantage l’individualité même des individus qui est visée. Par exemple, dans le second tome de the Program, le Programme est sur le point d’être rendu obligatoire pour les adolescents : « cela signifie qu’avant l’obtention du bac, chaque personne aurait été effacée et recréée en un individu bien équilibré, BCBG. Une génération entière, perdue. […] Donc à présent, tout les gens de moins de dix-huit ans seront changés – pour le meilleur et pour le pire – contre sa volonté. Pense à ça : ils peuvent créer une société composée d’individus sans la moindre expérience, qui n’ont rien appris de leurs erreurs. Des gens qui n’ont de lien avec personne. ». Ce conflit générationnel se manifeste également dans Glitch : dans cette saga, il n’y a que deux adultes glitchers. L’une a le pouvoir de soigner, l’autre d’asservir les autres à sa volonté. La première incarnerait donc une génération d’adultes repentante envers la jeunesse, l’autre serait un avatar du Lien qui asservit les citoyens : tout comme les Supérieurs contrôlent les citoyens ordinaires pour les faire travailler, Bright utilise son don pour contrôler les autres.

L’interdiction de l’amour romantique pourrait alors être perçue comme la métaphore du contrôle que les adultes exercent sur les adolescents. Les parents et la société les soumettent à des injonctions contradictoires, entre pressions à devenir soi-même (typique des sociétés contemporaines) et à choisir une voie qui leur permettra de s’épanouir ; et sommations à se montrer raisonnables et à se soumettre aux contraintes du marché du travail (contraintes d’autant plus grandes que l’économie serait « en crise »). En effet, « cet entre-deux [de l’adolescence] serait caractérisé principalement par la conquête de l’autonomie et de l’indépendance, dans le cadre d’une épreuve juvénile devenu la figure même de l’individualisation. Cette épreuve n’est donc plus entendue simplement au sens  d’une tension entre le groupe de pairs et la tradition incarnée par les enseignants et les parents ; mais comme une épreuve juvénile, qui opposerait individualisme éthique tourné vers l’authenticité, à l’individualisme de la compétition et du marché, soit être soi et conquérir une place. » [39] Les dystopies de notre corpus seraient donc la représentation d’une société où l’injonction à se soumettre aux attentes sociales écraserait celle de devenir soi-même. Plus largement, « la dystopie peut agir comme une métaphore puissante de l’adolescence. Pendant l’adolescence, l’autorité apparait oppressive, et peut-être personne ne se sent autant sous surveillance que l’adolescent moyen. L’adolescent est au bord de l’âge adulte : suffisamment prêt pour voir ses privilèges mais incapable d’en profiter. Le confort de l’enfance ne parait plus le satisfaire. Il a besoin de pouvoir et de contrôle et sent les limites de sa liberté intensément. »[40].

Or, ce pouvoir que les adultes exercent sur les adolescents est présenté comme illégitime, dans la mesure où ils sont virtuellement responsables des catastrophes fondatrices de ces sociétés : guerre nucléaire dans Glitch, bombardements dans Delirium, guerre contre un ennemi extérieur et contre le cancer dans Promise. Ce motif n’est d’ailleurs pas propre aux dystopies de notre corpus, on le trouve dans d’autres dystopies young adult comme Hunger games, divergente, Pure, Partials, enclave

De plus, ce contrôle est présenté comme un fantasme des adultes, et une illusion. D’une part, le traitement qu’ils proposent est celui qu’ils aimeraient recevoir eux-mêmes, mais pas celui dont les adolescents ont besoin : « Je me demande si c’est parce que les adultes préféreraient oublier leurs problèmes, et pensent que l’ignorance est une bénédiction » (The program). D’autre part, les adultes seraient incapables de contrôler totalement les adolescents : « Tu es le parfait exemple de la raison pour laquelle le Programme ne pourra jamais vraiment marcher. Ca fait partie de ta personnalité de te battre pour ce en quoi tu crois, ce que tu aimes. Le Programme va échouer parce que, même s’il peut effacer les souvenirs, les personnalités de base restent inchangées. Ces dernières conduisent à répéter les mêmes comportements, et à la fin, prendre les mêmes risques et faire les mêmes erreurs ». De même, dans Delirium et Glitch, il existe des individus qui résistent au « traitement » qu’on leur propose. Un des personnages de Glitch le présente comme le triomphe de la « nature » sur la technologie : si la puce cérébrale empêche les zones cérébrales consacrées aux émotions de fonctionner, certains individus développent des connections différentes, qui permettent au cerveau de retrouver son intégrité.

L’interdiction du sentiment amoureux serait donc une métonymie du contrôle que la société et les adultes exercent pour les adolescents : on attend des jeunes qu’ils fassent leurs propres choix, mais qu’ils fassent les bons (la société et les adultes en général, les parents en particulier, ayant leur petite idée sur ce en quoi consiste ces « bons » choix). Or, le caractère supposé imprévisible et irrésistible de l’amour romantique représenterait la part d’individualité de l’adolescent, non encore domestiqué par la société et ne souhaitant pas l’être (parce que vu l’avenir que les adultes nous proposent, merci mais non merci). Le motif de l’interdiction du sentiment amoureux dans les dystopies young adult ne serait donc pas lié à l’identification d’un « péril » particulier des sociétés occidentales contemporaines, apparu (ou marqué comme tel) récemment, mais simplement au développement d’un secteur éditorial, la dystopie young adult, parce que la métaphore fonctionne particulièrement bien pour la classe d’âge des lecteurs visés. Le développement de ce secteur éditorial particulier s’inscrirait quant à lui dans la continuité de l’apparition de la « culture jeune » (depuis les années 1960) et d’une segmentation croissante du secteur de l’édition, permise par l’apparition des livres de poche et donc d’une plus grande accessibilité des livres à l’ensemble de la population.

Dans les dystopies young adult mettant en scène l’interdiction de l’amour romantique ou des émotions, l’amour est présenté comme une arme : celle dont disposent les adolescents pour s’opposer au contrôle que les adultes exercent sur eux, et pour faire changer une société figée où la nécessité l’emporte sur les sentiments. Si ce motif de l’interdiction des émotions s’inscrit dans la continuité de la figure du zombie et de la déshumanisation de l’être humain dans une société capitaliste, il fonctionne également comme métaphore du conflit entre les générations à l’œuvre dans les sociétés contemporaines. Ma réflexion est partie de l’amour romantique comme métonymie de l’individualisme dans la société contemporaine et finit sur l’individualisation des adolescents, en tension avec l’injonction à se soumettre aux pressions sociales. En effet, la revendication du droit aux sentiments pourrait être lue comme le refus des adolescents de se plier aux sommations d’être raisonnables. Dans les sociétés occidentales contemporaines, les adolescents sont pris entre l’incitation à s’orienter vers le métier qui leur conviendra parfaitement (et à chercher activement quel est ce métier) et celle à être conscients des contraintes du marché de l’emploi et à s’y conformer. A ce titre, ces dystopies sont le symptôme des difficultés de l’intégration des adolescents dans la société contemporaine.
N.B. « L’amour est une arme » est le sous-titre du premier tome de la version française de Glitch

A lire aussi : les origines des dystopies

Corpus
Anastasiu Heather, 2012, Glitch – tome 1, R
Anastasiu Heather, 2013, Glitch – tome 2, R
Anastasiu Heather, 2013, Glitch – tome 3, R
Condie Ally, 2011, Promise, Gallimard
Condie Ally, 2012, Insoumise, Gallimard
Condie Ally, 2013, Conquise, Gallimard
Olivier Lauren, 2012, Delirium, Black moon
Olivier Lauren, 2012, Pandemonium, Black moon
Olivier Lauren, 2013, Requiem, Black moon
Young Suzanne, 2014, The Program, Paperback
Young Suzanne, 2015, The Treatment, Paperback

Dystopies citées
Aiguirre Ann, 2015, Enclave, Livre de Poche
Baggott Julianna, 2012, Pure, J’ai Lu
Collins Suzanne, 2009, Hunger games, Pocket jeunesse
DeStefano Lauren, 2014, Le dernier jardin – éphémère, Castelmore
Huxley Aldous, 2002 (1931), Le meilleur des mondes, Pocket
Lowry Lois, 2011 (1994), Le passeur, l’école des loisirs
Orwell George, 1972, 1984, Folio
Price Lissa, 2012, Starters, R
Roth Veronica, 2014, Divergente, Nathan
Wells Dan, 2013, Partials, Albin Michel
Westerfeld Scott, 2007, Uglies, Pocket jeunesse

[1] Dystopie : récit de fiction dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu’elle empêche ses membres d’atteindre le bonheur. Une dystopie peut également être considérée comme une utopie qui vire au cauchemar et conduit donc à une contre-utopie. L’auteur entend ainsi mettre en garde le lecteur en montrant les conséquences néfastes d’une idéologie (ou d’une pratique) présente à notre époque.
Exemples : le meilleur des mondes, 1984

[2] Segment éditorial qui s’adresse à un public de lecteurs adolescents et de jeunes adultes

[3] Le plus souvent envisagé exclusivement comme hétérosexuel. Seul Delirium évoque la possibilité de l’amour homosexuel, qualifié dans la société décrite comme « anormal ». Aussi, dans cet article, le terme « amour romantique » sera employé comme synonyme d’« amour romantique hétérosexuel ».

[4] Illouz Eva, 2012, Pourquoi l’amour fait mal – l’expérience amoureuse dans la modernité, Seuil

[5] Hinz Carrie, 2002, « Monica Hughes, Lois Lowry, and Young Adult Dystopia », the Lion and the Unicorn, vol. 26, n°2

[6] Ferris Harley, A Study Of Dystopian Fiction.

[7] A titre personnel, je ne souscris pas à la critique un peu facile de la culture populaire comme opium du peuple et abrutissement de masse, style promue par l’école de Francfort, mais ce type de discours mérite d’être mentionné.

[8] Chevalier-Chandeigne Olivia, 2014, Philosophie du cinéma d’horreur – effroi, éthique et beauté, Ellipses

[9] Corcuff Philippe, 2006, « Individualité et contradictions du néo-capitalisme », SociologieS [en ligne], « Théories et recherches »

[10] Boltanski Luc, Chiapello Eve, 1999, Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard

[11]  Zarifan Philippe, 1999, L’émergence d’un Peuple Monde, Presses universitaires de France

[12] Il est fait plusieurs fois allusion dans la saga au fait que l’héroïne vit dans un quartier pauvre, où la majorité des habitants n’ont pas les moyens de se payer de l’essence. De même, à la fin du troisième tome, le maire envisage de supprimer l’électricité aux citoyens qui ne sont pas « méritants » : « Nous récompenserons ceux qui suivent les règles. Nous appliquerons le même principe, en quelque sorte, que pour le dressage d’un chien. […] Et nous punirons ceux qui ne se plieront pas au règlement. Je ne parle pas de châtiment physique, bien sûr. Nous sommes un pays civilisé. […] L’électricité n’est pas gratuite. Elle doit se mériter » (Delirium)

[13] Ritzer George, 1993, The MacDonalidzation of Society, Pine Forge Press

[14] Saint-Paul Gilles, 2011, The Tyranny of Utility: Behavior Social Science and the Rise of Paternalism, Princeton University Press

[15] La McDonalisation est l’essence même du capitalisme

[16] Ogien Ruwen, 2014, Philosopher ou faire l’amour, Grasset

[17] Tolotti Sandrine, 2012, « Eva Illouz : Pourquoi l’amour fait mal », Le nouvel obs’

[18] Le « capitalisme amoureux »

[19] On peut supposer que c’est également le cas dans Glitch, mais contrairement aux deux autres fictions, cette appariement n’est pas abordé explicitement.

[20]Cette thématique est d’ailleurs abordée dans certains ouvrages de développement personnel, comme  Marry him : the Case for Setteling Mr. Good Enough. Dans ce livre, l’auteure défend l’idée que les romances ont placé des attentes trop élevées dans l’esprit des femmes, les poussant à chercher le partenaire parfait pour elles, au détriment d’hommes de leur entourage qui auraient pu constituer de bons partenaires (Gottlieb Lori, 2010, Marry him : the Case for Setteling Mr. Good Enough, Dutton).

[21] Ce motif est d’ailleurs fréquemment mis en scène dans les romances (Schreiber Michele, 2015, American Postfeminist Cinema, Edinburgh University Press).

[22] Malgré tous mes effets, impossible de retrouver la référence… Dès que je la trouve, je mets à jour, promis !

[23] Wikipédia

[24] De Singly François, 1996, Le soi, le couple et la famille, Nathan

[25] Sirota Régine, 2006, Eléments pour une sociologie de l’enfance, Presses universitaires de Rennes

[26] Raineau Clémentine, 2006, « Du rite de passage au souci de soi : vers une anthropologie de la jeunesse ? », siècles [en ligne], vol. 24

[27] Dumont Louis, 1991, L’idéologie allemande, Gallimard

[28] Huerre Patrice, 2001, « L’histoire de l’adolescence : rôles et fonctions d’un artifice. », Journal français de psychiatrie, vol. 14, n°3, p. 6-8

[29] Thiercé Agnès, 1999, Histoire de l’adolescence, 1850-1914, Belin

[30] Breton André, 2013, Une brève histoire de l’adolescence, JC Béhar

[31]Huerre Patrice, 2001, « L’histoire de l’adolescence : rôles et fonctions d’un artifice. », Journal français de psychiatrie, vol. 14, n°3, p. 6-8

[32] Sauvy Alfred, 1959, La montée des jeunes, Calmann Lévy

[33] Sirota Régine, 2006, Eléments pour une sociologie de l’enfance, Presses universitaires de Rennes

[34] Sirota Régine, 2006, Eléments pour une sociologie de l’enfance, Presses universitaires de Rennes

[35] Youf Dominique, 2007, « Philosophie des âges de la vie de Éric Deschavane et Pierre-Henri Tavoillot », Sociétés et jeunesses en difficulté [En ligne], n°4

[36] Fournier Martine, 2011, « La naissance de l’adolescence », Sciences humaines, n°110

[37] Huerre Patrice, 2001, « L’histoire de l’adolescence : rôles et fonctions d’un artifice. », Journal français de psychiatrie, vol. 14, n°3, p. 6-8

[38] Huerre Patrice, 2001, « L’histoire de l’adolescence : rôles et fonctions d’un artifice. », Journal français de psychiatrie, vol. 14, n°3, p. 6-8

[39] Sirota Régine, 2006, Eléments pour une sociologie de l’enfance, Presses universitaires de Rennes

[40] Scharma Elena, 2014, « The Young Adult Dystopia as Bildungs Roman: Formational Rebellions Againt Simplicity in Westerfeld’s Uglies and Roth’s Divergent », Scripps Senior Theses

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    Rétroliens

    1. Les romans dystopiques Young Adult ou les 3 fantasmes de l’adolescence – Audrey Pleynet

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