Ici et maintenant

J’ai l’impression de chaque jour redécouvrir les difficultés à rester dans ici et maintenant. En ce moment, j’ai l’impression que mon émotion dominante est la frustration : vis-à-vis des trois textes sur lesquels je suis coincée depuis un mois et demi, de ma pile à lire qui ne réduit pas, de moi qui ne récupère pas autant que je voudrais. Ou peut-être que c’est la culpabilité. Je suis frustrée que “la” solution vers laquelle tous les écrits et proverbes pointent soit difficile à mettre en œuvre : être dans l’ici et maintenant. Petit à petit j’apprends à lâcher prise : sur mes projets (on verra plus tard), sur mes objectifs quotidiens, sur mes jugements sur mes pensées. Je m’efforce d’être à l’écoute : qu’est-ce que je ressens ? Je renonce à mettre en place toutes les “bonnes pratiques” d’un coup : mettre toutes mes forces dans de nouvelles résolutions, c’est une autre manière de fuir. Mais même les bonnes pratiques demandent de la vigilance. Quand je détourne les yeux, les mécanismes compensateurs que je connais bien se mettent en place et je fais un pas de côté dans l’anticipation et la rêverie. Les activités saines destinées à m’ancrer dans le présent deviennent des routines exécutées machinalement, ou une brique supplémentaire à caser dans un emploi du temps déjà bien remplie. Passé l’élan initial, mon attention se relâche et je m’assigne peu à peu et sans m’en rendre compte de nouvelles missions, je me tends pour me discipliner, je cherche le contrôle et ne trouve que le vertige. Il faudrait renoncer peut-être, abandonner tout le tohu-bohu quotidien jusqu’à ce qu’il ne reste que moi, et que je n’ai plus d’autre choix que de me faire face. Je ne sais pas comment faire pour demeurer enracinée dans le présent, comment m’assurer que je ne me perde pas de vue. L’anxiété prend le dessus quand je me crois en sécurité et recouvre mes yeux d’une nappe de brouillard. J’aimerais être capable de profiter, sans résistance, reproche ou attente. J’aimerais retrouver la sécurité, car finalement tout revient à ça, non ? on peut renoncer au contrôle quand on a confiance. Mais nous ne vivons pas dans un monde qui nous protège. Au contraire, on nous fait croire que la concurrence et la productivité sont des valeurs, alors que ce sont des poisons. Je suis tellement fatiguée de me battre contre le monde et contre moi-même, je voulais montrer que j’avais de la valeur et ça m’a rendu bonne à rien (c’est ce que le stakhanovisme essaie de me faire croire).

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