L’amour – un piège à femmes (cas pratique)

C’est l’histoire d’une copine. De plusieurs copines en fait. D’ailleurs, certaines d’entre elles ne sont même pas des amies à moi, ce sont des amies d’amies ou de vagues connaissances. Ce sont des filles entre vingt-cinq et trente ans, disons , hétérosexuelles. Un âge où les relations amoureuses deviennent « sérieuses », elles durent souvent depuis un an ou plus. Mes copines commence à parler d’emménager ensemble, de se marier, d’avoir des enfants (pas forcément dans cet ordre). Certaines ont franchi un de ses pas. Et un autre point commun de toutes ces copines, c’est qu’elles ont fait des compromis. Il y en a une qui a déménagé à six-cents kilomètres de sa famille et de ses amis, dans une ville o`elle ne connait personne, pour suivre son copain qui est originaire de là-bas. Il y en a une qui fait toutes les tâches ménagères parce qu’elle travaille chez elle pendant que son copain a un emploi salarié à l’extérieur du domicile. Il y en a une qui fait des choses sur le plan sexuel qui lui plaisent moyennement pour faire plaisir à son copain. Il y en a une qui a arrêté de voir un de ses amis parce que son copain était jaloux. Bref, toutes mes copines ont fait des compromis. Ou du moins, elles ont accepté de sacrifier quelque chose pour le bien de la relation. Peut-être qu’elles ont reçu quelque chose en échange. L’histoire ne le dit pas. En tous cas, elles ne le disent pas. Bien sûr, elles avaient de bonnes raisons de les faire. Leurs copains se montrent reconnaissants (parfois). Et puis souvent, c’est pas grand-chose, ces compromis, et c’est temporaire. Sauf que le plus souvent ça ne l’est pas.

Le problème, c’est qu’elles en ont assez, de faire des compromis. Quand mes copines commencent à se demander ce qu’elles ont à y gagner, dans l’histoire. Quand elles se rendent compte que la situation ne leur convient pas ou quand elles en ont assez de prendre sur elles. Alors elles en parlent à leur copain. La plupart du temps, ils reconnaissent qu’ils sont dans leur tort, que ce n’est peut-être pas juste pour elles, qu’ils vont faire des efforts, qu’ils vont changer. Parfois, ils font effectivement des efforts. Pendant une ou deux semaines. Plus rarement, la discussion devient un tribunal : « pourquoi tu ne m’en a pas parlé plus tôt ? », « c’est toujours la même chose avec ti », ou « tu m’as menti, ou tu m’as caché des choses, tu m’as caché ton ressenti, je me sens trahi ». Alors mes copines se sentent coupables. Dans le premier cas, de remettre le sujet sur le tapis, encore et encore, et de provoquer des disputes ; dans le second cas, parce qu’elles ont commis le crime de lèse-communication.

Elles se sentent d’autant plus coupables que souvent leurs copains ont besoin d’elles.  Il y a des copains qui ne peuvent pas se passer de leur copine, sur le plan affectif ou de la gestion de la vie quotidienne. Il y a des copains qui ne vont pas bien, qui sont stressés à cause de leur boulot, ont des ennuis de santé, souffrent de dépression. Et il y a des copains qui seraient vraiment anéantis si leur copine les quittait. Alors mes copines hésitent, parce qu’elles se sentent responsables du bien-être de leur copain. Elles ne veulent pas se montrer égoïstes, ni briser le cœur d’un garçon pour lequel elles ont malgré tout de l’affection ou dont elles sont amoureuses.

Sauf que ça les épuise, mes copines, de rester avec leur copain. Certaines parce qu’elles assument une double journée, au travail et à la maison, en assurant le soutien logistique de la maison, parfois le soutien émotionnel de leur copain. Certaines sont épuisées de se conformer aux attentes de leur copain, ou de mettre leurs doutes dans leur poche le temps qu’il aille mieux. Certaines ont une boule au ventre rien qu’à l’idée de voir leur copain après une brève séparation, parce qu’elles vont devoir soit prendre sur elles pour faire en sorte que tout se passe bien, soit accepter le conflit et ramasser ensuite leur copain à la petite cuillère.

Alors, pourquoi ces copines qui en ont marre restent avec leurs copains ? La plupart ont un travail, elles n’ont pas d’enfant, à première vue elles ne sont pas coincées. Pour ne pas passer pour la méchante alors ? Parce qu’on leur a toujours appris que leur rôle de femme est de s’adapter aux besoins des autres et de prendre soin d’eux ? Parce que toutes leurs relations amoureuses ont toujours fonctionné comme ça ? Parce que leur copain leur fait du chantage affectif ?

Bien sûr, je connais aussi des histoires où c’est l’homme qui a fait un compromis, ou où c’est le copain qui a suivi sa copine. Dans ces cas-là, il semble que ce soit retombé sur la fille, parce que le garçon se sentait triste et seul d’être allé dans une ville où il ne connait personne. C’est sa faute à elle si il est malheureux.

Pourquoi j’ai tellement d’histoires à raconter sur mes copines et pas sur mes copains ? Outre la simple comptabilité (j’ai plus d’amies que d’amis), et que raconter nos vies, c’est bien un truc de filles. Peut-être que c’est particulier à mon entourage. Peut-être que je vois le mal partout, que je ne pense pas à toutes les histoires qui se passent bien. Ou peut-être aussi que c’est lié à deux anecdotes que j’ai relevées quand j’ai commencé à raconter ces histoires autour de moi. Le premier, c’est le copain d’une de mes amies qui a rétorqué lors d’une de leurs disputes :  « si on a besoin de faire des compromis, c’est que la relation ne marche pas, moi j’ai jamais eu à faire de compromis avec mes exs ». La seconde, c’est un ami qui m’a dit « si les choses se gâtent, je fuis, ce qui me semble en fait assez sain ».

Et ils ont tous les deux raisons jusqu’à un certain point : une relation où il faut faire des compromis de manière systématique va forcément peser à moyen ou long terme sur au moins l’un des deux (je crois savoir lequel). Sauf qu’une relation sans compromis, ça n’existe pas. Je ne crois pas qu’il soit possible de rencontrer un autre être humain dont les désirs concordent en tous points avec les siens.

Et j’ai pensé à deux de mes copines, toutes les deux plus ou moins célibataires celles-là, qui m’ont dit combien elles se sont senties libérées quand elles ont accepté l’idée d’être la maitresse plutôt que la femme. Pour en citer une : « pas de relation, pas de compromis, juste du sexe et des discussions intéressantes ». L’autre veut avoir « un bébé toute seule », comme dans la chanson, pour ne pas avoir un copain en plus d’un enfant à charge. Je me suis dit qu’il y avait vraiment quelque chose de pourri au royaume du Danemark pour qu’une fille se sente libérée de refuser le couple.

J’ai aussi pensé à toutes mes autres copines, celles qui sont amoureuses de leur copain et dont c’est parfois la seule raison de rester. Une de mes copines, qui vit avec un copain violent verbalement et qu’elle envisage de quitter, a reçu un coup de fil de sa belle-mère lui disant « tu sais, il t’aime ». D’après mes histoires, il semble que ce soit tout ce qu’elle ait à attendre de lui en échange de ses sacrifices.

Maintenant, quand j’entends une de ces histoires, j’encourage ma copine à fuir si elle en a envie. Je l’encourage à se choisir elle, et ne pas culpabiliser, car ce n’est pas parce qu’elle croit qu’elle doit choisir sa relation et son copain que c’est normal, ou que c’est juste. Je l’encourage à se choisir elle, parce qu’il n’y a aucune raison qu’elle paie de sa personne, de son bien-être, pour maintenir la relation. Comme dirait Samantha de Sex and the city « je t’aime, mais je m’aime encore plus ». Et quand je pense à toutes ces histoires, je me dis que ce n’est pas une mauvaise philosophie.

 

1 commentaire

  1. Sandrine MIQUEL

    Moi, je vous adore!
    Je vous lis depuis quelques jours et c’est une vraie bouffée d’air.
    J’ai beaucoup apprécié votre comparatif concernant les ouvrages sur les adultes surdoués.
    Bonne poursuite.
    Sandrine M.

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